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Le congé parental est peu populaire chez les hommes. Il revient souvent aux femmes de mettre leur carrière sur pause pour s’occuper de bébé. Pourtant, les choses pourraient changer en raison de la guerre des talents, du besoin de flexibilité et de la jeune génération. Témoignages.

Le congé parental demeure un sujet tabou dans l’industrie. Le secteur, en se féminisant, tente toutefois d’élargir le dialogue et les hommes sont de plus en plus nombreux à vouloir y prendre part. Il y a 15 ans, seulement 20 % des pères au Québec songeaient à prendre un congé de paternité. En 2021, ce chiffre a augmenté à plus de 90 %, notamment grâce au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP).

Il reste que le partage équitable des 52 semaines de congé parental du RQAP est rarement la règle au sein des couples qui travaillent dans l’industrie financière, constate Saloua Benkhouya, ancienne cadre supérieure chez RBC, lors d’une table ronde organisée par l’Association des femmes en finance du Québec (AFFQ).

« Malgré des progrès, un déséquilibre persiste entre les responsabilités familiales assumées par les mères et les pères », constate la mère de famille. Elle estime qu’il faut encourager un processus plus équitable pour diminuer la pression sociale sur les hommes qui souhaitent prendre plus de temps pour s’occuper de leurs enfants.

VALORISER LE RÔLE DU PÈRE

Si le sujet du congé parental est souvent délicat à aborder pour les femmes, il l’est aussi pour les hommes. Renaud Ponton, cadre chez Banque de développement du Canada (BDC) et père de deux jeunes garçons, a dû faire œuvre d’éducation auprès d’un ex-employeur, peu familier avec le régime québécois, afin de prendre un congé de paternité à la naissance de son premier enfant.

Malgré les embûches, les pères qui s’absentent du travail pour prendre soin de leur nouveau-né en retirent de réels bénéfices. « Ils y gagnent sur le plan psychologique et émotionnel. Ils deviennent plus engagés dans la vie de leur enfant et renforcent leur relation de couple », souligne Karl Moore, professeur associé à la Faculté de gestion Desautels de l’université McGill, qui a collaboré à une recherche récente de McKinsey sur les bénéfices du congé de paternité auprès d’une centaine de nouveaux pères.

Les papas interrogés rapportent que le partage du congé parental leur a permis de soutenir leur conjoint en minimisant l’impact négatif d’un congé prolongé sur leur carrière. Ils se disent également plus stimulés par leur travail à leur retour au bureau et plus engagés envers l’employeur qui a respecté leur choix.

Renaud Ponton, qui a pris dix semaines de congé parental à la naissance de son deuxième enfant, témoigne en avoir retiré un fort sentiment de valorisation doublé de la satisfaction d’avoir appuyé sa conjointe dans ses objectifs de carrière. « En prenant le relais durant quelques semaines à la fin du congé parental, j’ai pu l’aider à retourner plus rapidement au travail, ce qui était très important pour elle », indique-t-il. Il a également apprécié l’ouverture et le soutien témoignés par son employeur à cette occasion.

UNE PÉNALITÉ À LA MATERNITÉ

En encourageant les pères à s’investir dans le congé parental, les institutions pourraient contribuer à soulager les femmes d’une pression insidieuse. Les mères qui choisissent de s’éloigner du travail pour pouponner s’exposent en effet à une forme de pénalité reliée à la maternité, signale Saloua Benkhouya. Elles risquent de voir leur carrière ralentir et de devoir refaire leur place dans l’organisation. Elles ont l’impression d’être perçues comme moins performantes et peu dédiées à leur travail. À contrario, celles qui prennent moins de six mois de congé parental craignent d’être cataloguées parmi les workaholics.

Saloua Benkhouya, qui était enceinte de cinq mois lorsque son employeur lui a offert une promotion, a choisi d’endosser immédiatement ses nouvelles fonctions plutôt que d’attendre le retour du congé parental, de crainte de ne pas revoir le train passer. « J’ai senti une pression à revenir plus vite au travail, mais j’ai décidé tout de même de prendre le temps que j’avais prévu initialement. »

Plus l’absence se prolonge, plus le risque de voir la carrière encaisser un coup de frein est réel. Renaud Ponton a constaté qu’au retour d’un congé de dix semaines, sa performance au travail n’était plus la même. « Pour des absences plus longues, je pense que l’impact se fait encore plus sentir », avance-t-il.

CLARIFIER LES ATTENTES

Les organisations ont un rôle à jouer dans le partage du congé parental, mais la partie se déroule également à l’intérieur des couples. La notion d’équité est primordiale pour éviter les risques de malentendus, estime Valérie Houde, maman et directrice principale, juricomptabilité et services-conseils entreprises chez KPMG Canada. Les partenaires ont donc intérêt à clarifier leurs attentes très tôt dans le processus.

Elle-même a indiqué à son conjoint avant même de tomber enceinte de leur premier enfant qu’elle souhaitait qu’il prenne au moins trois mois de congé parental. Il n’a donc pas été pris par surprise lorsque le moment est venu.

L’impact financier est un autre aspect important à considérer dans le partage, note Vanessa Simard. La directrice principale, financement immobilier à la Banque Scotia a pris soin de comparer les avantages offerts par son employeur et celui de son conjoint avant de décider comment partager le congé parental. Le couple a également mis en place un mécanisme pour compenser la perte salariale du conjoint qui s’absentait le plus longtemps.

UNE APPROCHE PLUS INCLUSIVE

La culture parentale dans les organisations est lente à se transformer, mais le contexte du marché du travail pourrait accélérer le mouvement, soutient Karl Moore. « La pression sur les talents fait évoluer la perspective des employeurs », constate le professeur. Il est d’avis que la promotion du congé parental chez les hommes offre une occasion aux entreprises de se démarquer, alors que les valeurs de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) sont prisées par la nouvelle génération.

Dans le même sens, Saloua Benkhouya croit qu’une approche plus inclusive en matière de congé parental pourrait permettre à l’industrie d’attirer et de retenir davantage de femmes, en leur démontrant du soutien pendant une période charnière de leur vie.

Il reste aux employeurs à faire preuve de créativité pour déployer des initiatives favorisant un partage des responsabilités plus équitable entre les pères et les mères qui font carrière au sein de leurs organisations.

Les participants à la table ronde ont suggéré par exemple d’identifier dans les équipes des gestionnaires qui ont pris plusieurs mois de congé parental afin de servir de modèles. Ils ont conseillé également de créer des espaces sûrs pour permettre les échanges d’informations sur des questions sensibles et de fixer des objectifs chiffrés afin d’atteindre l’équilibre dans l’industrie d’ici quelques années. À suivre !

5 façons d’encourager les pères à prendre un congé parental :

Leur donner les mêmes avantages qu’aux mères
Créer une culture d’encouragement dans l’entreprise
Clarifier les impacts du congé parental sur la carrière
Soutenir le retour au travail après le congé parental
Mettre en place une politique de conciliation travail-famille

Source : McKinsey

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Source: Conseiller.ca

 

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